Mairie de LOUVERGNY - SUITE 1

n date du 26 7bre 1821.

Copie d’un document de travail du ministère de l’intérieur :

M. le Préfet des Ardennes écrit au Maire de Louvergny : je crois devoir vous faire connaître dans toute leur étendue les motifs sur les quels on se fonde pour s’opposer à votre nomination à la Mairie de Louvergny.

Art 1er

On insiste sur ce qu’à défaut d’avoir rempli aux termes de l’art :20 du Code Civil les conditions imposées par les art : 10-18 et 19, vous n’avez pas la faculté de jouir des prérogatives des français, attendu que Mr votre Père, avant votre naissance avait formé par son mariage un établissement dans l’étranger qu’on ne peut, être ou assimiler a ceux qui sont faits avec un esprit de retour comme ceux de commerce.

Voici les réponses que fait ce Maire à chaque article ci contre transcrit :

 Répl : 1er

 L’attendu que de ce 1er motif porte visiblement à faux. Avant d’argumenter ainsi, il fallait s’instruire des faits et ne pas jouer sur les mots. Mon père en épousant une Demoiselle Belge ne fit pas d’établissement en Belgique, tandis que son épouse habitait le plus ordinairement une terre en ce paÿs, lui conserva toujours son hôtel son domicile et sa résidence habituelle à Paris où il est mort, ci joint l’acte de décès. Quoi que faisant chaque année ou tous les deux ans des voyages au château de sa femme, il resta toujours français et par le fait et par le droit ; il voulut que ses enfants le fussent comme lui, par ses soins mon frère cadet Alexandre fut placé à Rebais Elève du Roy. Ma sœur aînée Alexandrine figure comme chanoinesse du Chapitre de Joursey fondé par la reine Marie Antoinette. Et moi Hyppolite aussitôt ma naissance, je fus porté sur les contrôles du Régiment français Destherasie*. Certes la qualité de français que ce digne père conserva si bien pour lui et pour sa famille, je ne l’ai perdue par aucune contravention à l’art/ 17ème du Code Civil, à moins que mes ennemis ne s’avisent de me criminaliser pour ce qu’encore adolescent j’ai volé aux armes avec les Belges alliés des Bourbons, et que ‘ai combattu sous les Drapeaux de l’Autriche pour soutenir leur légitime Dynastie.

*Esthérazy Houzard.

Art : 2ème

On objecte que le bien être des administrés et les convenances publiques souffriraient nécessairement de l’admission aux fonctions municipales d’un homme dont la conduite a été telle que c’est après des débats éclatans que les tribunaux en 1ère instance et en appel lui ont refusé la Tutelle de son propre fils, ce qui ne peut permettre ajoute-t-on de lui confier celle de toute une commune.

Repl : 2ème

Le reproche fondamental de cet article porte sur la plus grossière des erreurs ou plutôt des calomnies. Les tribunaux de 1ère et de 2ème instance devant lesquels je n’eus aucune affaire domestique a démêler depuis le décès de ma 1ère épouse n’ont pu me refuser la Tutelle de mon fils qui n’était légalement et nécessairement dévolue. Cette Tutelle, je m’en suis spontanément démis en faveur de mon frère Alexandre ; et ma démission, je l’ai proposée et fait agréer au conseil de famille qui eut lieu devant le juge de Paix de mon Canton pour la nomination d’un subrogé Tuteur, l’acte de nomination fait foy.

Les débats prétendus éclatans dont on fait ici bruit contre moi eurent trait à toute autre chose, feue Demoiselle de Moÿ ma femme entraînée par des suggestions perfides se détermina à demander une séparation juridique de corps et de biens. Les tribunaux crurent devoir lui accorder sa demande, toutefois en demandant en la corrigeant, et surtout en couvrant des secrets majeurs qui pouvaient bouleverser trois familles respectables et que la haine furieuse de certains individus cherchaient à répandre avec scandale dans le public. Je ne peux moi même sans imprudence les divulguer devant un Préfet. mAis puisque Mr Harmand veut bien s’intéresser à ma personne et à ma nouvelle famille d’adoption, je suis prêt à lui faire en particulier les révélations les plus intimes, à lui communiquer toutes les pièces patentes et occultes d’une procédure inique. Et il verra que les pervers qui me poursuivent et me font poursuivre aujourd’hui s’en rendirent les coupables instigateurs et qu’ils voudraient s’innocenter en déversant sur moi l’odieux de leur détestable conduite.

Art : 3ème

On prétend que les habitans de Louvergny vous accusent d’avoir détourné à votre profit les deniers provenant du casernement des étrangers et de n’en avoir pas rendu compte.

Repl : 3ème

Que signifie cette prétention de mon dénonciateur qui probablement suppose des ouis dire, ou qui du moins parle vaguement par oui dire. N’importe ; répondons lui avec précision, mes comptes relatifs au casernement des étrangers furent établis conformément à vos arrêtés avec mon conseil municipal et les 1à plus imposés, envoyés plusieurs fois à la sous-préfecture de Vouziers, ils viennent enfin d’être examinés et reconnus pour exacts par Mr Golzard, ils doivent être parvenus en ce moment à votre administration départementale : ils portent toutes les sommes perçues et leur emploi ; les sommes non perçues et à recevoir si ce que je ne puis imaginer il était échappé au conseil et à moi quelques bagatelles ; qu’on les indique, qu’on les précise .

Art : 4ème

Enfin on dirige contre vous les divers reproches d’exercer sur les habitans une autorité tyrannique, de les gouverner en officier autrichien. De vivre en mauvaise intelligence avec l’autorité ecclésiastique. D’avoir été le 1er à donner l’exemple de la désobéissance aux lois et notamment à celles qui ont trait à la réparation des routes et d’avoir engagé à l’opposition les habitans soumis à votre administration.

Repl : 4ème

Enfin ce 4ème art. finit lui même par quatre reproches plus ou moins graves. Les deux premiers vagues et insignifians devraient pour valoir préciser quelque fait, se rapporter à quelqu’époque. En 1815, au milieu de la secousse tumultueuse qui ébranla la France, le Peuple fut autorisé à renouveller lui même les Maires ; sur les 400 votants 396 m’honorèrent de leurs suffrages. Est-ce ainsi qu’on signale un administrateur tyrannique. Depuis cette époque, j’ai toujours administré avec les mêmes égards.

 


Louvergny le 5 octobre 1821.

Vous n’ignorez pas combien l’impôt pour la réparation des routes fut exhorbitant envers quelques individus : frappé moi seul plus que tous les habitans ensemble de ma Commune, obligé comme beaucoup d’autres de faire long feu pur les termes de payement, je crus devoir solliciter et pouvoir obtenir une décharge. Je me pourvus régulièrement auprès des administrations ; mes pièces sont encore dans vos bureaux, désespérant de rien obtenir, je finis par payer. Voilà quelle fut ma désobéissance aux lois. Si c’est leur désobéir que d’implorer le secours de celles qui nous sont contraires.

Est-il donc possible qu’on m’accuse généralement de vivre en mauvaise intelligence avec l’autorité ecclésiastique, moi que toujours les plus doux mœurs de la concorde et surtout de l’amitié unirent à tous les ministres religieux qui habitèrent ma Commune. Il n’en est pas un qui puisse à cet égard me refuser son témoignage ; Mr Lambert lui-même, desservant actuel de Louvergny, osera-t-il, contre la notoriété publique, nier qu’à son arrivée je l’accueillis amicalement comme tous ses prédécesseurs, que pendant trois mois je lui donnai pro deo feu, chambre, lit, et ma table autant qu’il voulut l’accepté; que plus tard offrant de ma bourse 1000 f. en présence de vingt personnes, j’encourageai mes habitans à contribuer dans l’achat qu’il fit d’une maison ? mais hélas ! que les bienfaits de l’homme le plus généreux sont impuissants lorsqu’ils se trouvent en opposition avec les manèges d’une femme mal intentionnée et séduisante ! Mr Lambert laissa troubler notre harmonie naissante en se livrant à une espèce de prude et dévote dont il semble avoir épousé toutes les affections : non seulement il s’est montré à mon égard un petit ingrat ; il s’est encore rendu mon ennemi acharné, parce que la douce amie m’a voué un acharnement mortel ; eh ! ce jeune homme qui m’accuse sans doute auprès de vous comme ailleurs de manquer aux convenances publiques, respecte-t-il bien celles de son état ; lorsqu’il entretient avec une Célimène devenue coquète malgré son âge des liaisons trop fréquentes pour n’être point suspectes ; lorsque sans façon il se permet tantôt en campagne tantôt en tête à tête de la conduire aux promenades publiques ? la galanterie de l’abbé, les minauderies de la Dame, la complaisance ou confidence du mari, tout cela prête furieusement à la malignité populaire ; tout cela éguise les traits d’une satyre assez plaisante, mais peu édifiante.

Je termine ma justification en m’abandonnant tout entier à votre justice, vous prononcerez dans votre sagesse lequel du Maire ou du desservant croise l’autorité de l’autre et lequel enfin mérite mieux de conserver ses fonctions.

J’ai l’honneur d’être avec un profond respect, Monsieur le Préfet, votre très humble et très obéissant serviteur,

de Surirey

 


 Mezières le 30 9bre 1821

Les membres du côté maternel, le Conseil de famille convoqué au Chesne le 19 mai 1820, à l’effet de nommer un tuteur au fils de Mr Hyppolite Louis Antoine de Surirey, de Louvergny, déclarant qu’en vertu d’un jugement qui avait ôté à Mr de Surirey l’éducation de son fils pour la confier à Mde de Surirey sa première femme séparée de corps et de biens par le susdit jugement, leur intention bien formelle a toujours été d’ôter à Mr de Surirey la tutelle de son fils ; et qu’ils se seraient déterminés à lui faire contester cette tutelle si Mr de Surirey lui-même n’eut pas consenti à s’en démettre par des moyens de conciliation qui ont été adaptés avec empressement par le côté maternel dans l’intérêt unique du mineur.

 Henry de Cuzey                       Lignieroux   oncle maternel du mineur                                     Trécourt   oncle maternel du mineur

 


 

Observations de Mr de Surirey sur l’acte de Tutelle de son fils.

Art : 390. La tutelle des enfans mineurs et non émancipés appartient de plein droit au survivant des Père et mère.

Le Père est donc le tuteur légal ; on ne peut lui contester ce devoir. Dira-t-on que, lors de l’assemblée tenue devant le juge de paix du Canton du Chesne, on a eu un tuteur autre que le Père, et que dès lors le Père a été dispensé suivant les dispositions de l’art. 427 ou qu’il a été exclus suivant celles de l’art. 444 ?

Dans le 1er cas la réponse est facile. Il ne pouvait en être dispensé, il ne le devait pas, quoi qu’il l’eut demandé parce qu’il n’était pas dans un des cas prévus par la loi e que le subrogé tuteur nommé en suite, dans la ligne maternelle est établi précisément pour stipuler les intérêts du mineur, quand ils sont en opposition avec ceux du tuteur. Ce motif que la prudence du Juge de Paix n’a pas permis d’inscrire au procès-verbal était de la nature la plus grave ; le Père l’a déduit lui même à l’assemblée ; il avait sa source dans des soupçons affreux mis en avant contre le Père, qui, les connaissant, et quoiqu’en étant révolté, a cru trouver un moyen de calmer les passions en renonçant lui même à un droit, se réservant de prodiguer à son fils ses soins et sa tendresse. Voilà la vérité. Que les membres du conseil osent le nier, si leur conscience le leur permet.

Quand à l’exclusion prétendue par les dénonciateurs, ils n’oseraient soutenir qu’on a voulu, cru, ni pu la donner. Il suffit d’ailleurs de se reporter sur le procès-verbal, et pour les art : 446,447,448, du Code pour se convaincre qu’aucune de ces dispositions relatives à l’exclusion ou à la destitution n’a été observée. Il ne s’agissait pas d’exclure, le Père était en fonction de tuteur, comme survivant. Il n’ a pas été proposé de destitution ; donc il n’a pas été destitué. Il était tuteur, on l’a reconnu pour tel, puisqu’on a commencé par nommer le subrogé tuteur et qu’ainsi on a confirmé la tutelle légale du Père. Ce n’est qu’alors que le Père, faisant un sacrifice à la paix de famille, et croyant conserver ou plutôt concilier à son fils les parens maternels avec lesquels il ne vivait pas bien depuis la dissolution de son mariage avec leur parente à proposé de se démettre et en même temps d’être remplacé par son propre frère, oncle du mineur. Ces deux nominations se sont faites à l’unanimité ; et la famille depuis n’a fait ni protestation ni démarches légales. On dit que c’est un consentement tacite qui a eu lieu. Mais quel consentement veut-on , surtout quand il est unanime ? Le juge a demandé si l’on adoptait la proposition du Père, pas une réclamation ne s’est fait entendre, chacun des membres appellés a dit oui. Le juge a rédigé l’acte, tout a été consommé. Tout ce que la loi exige a été fait.

Que veulent donc, aujourd’hui qu’il y a si longtemps que la délibération a été prise et exécutée, ces parens, ces amis officieux, qui mettent en avant un si vif attachement, un zèle si pur pour le mineur ? Qu’ont-ils fait pour justifier leurs états scandaleux, leurs accusations calomnieuses ? Ils n’ont rien dit, rien écrit, rien fait signifier, alors de la nomination des tuteur et subrogé tuteur. Ils ont unanimement et par consentement un et tacite fait choix d’un subrogé tuteur. Ils n’avaient donc rien à dire, ou ils n’ont voulu rien dire. Et ils viennent aujourd’hui fatiguer dans le secret les oreilles d’un magistrat, auquel ils n’osent rien dire officiellement, de déclamations qui, dans tous les cas déposent contre eux, qui les accusent de n’avoir pas fait leur devoir, lorsqu’il s’agissait de présenter de faire valoir leurs griefs. Il y a eu dans leur fait, ou insouciance ou faiblesse, ou ignorance. Ou il y a aujourd’hui turpitude ou méchanceté infame. Ils veulent avoir fait ce qu’ils n’ont pas fait, avoir dit ce qu’ils n’ont pas dit, ou ils voudraient faire croire que, quand ils étaient tous réunis, un seul homme leur en aurait imposé au point de les contraindre à faire ce qu’ils ne devaient pas faire, et ce e présence d’un magistrat dont l’appui leur était assuré !

Par passion, par esprit de vengeance, par haine, par animosité, ils présentent comme mauvais Père comme tuteur destitué, comme mauvais citoyen, comme inepte, celui à l’influence dominante duquel comme tuteur ils prétendent avoir cédé, celui qu’ils ont laissé exercer la mairie pendant plusieurs années, celui qu’ils ont vu siéger comme électeur quand il s’agissait de grands intérêts politiques, celui qu’ils accusaient de projets atroces contre son fils, quand, chaque année, cet enfant chéri, passe plusieurs mois sous le toit et dans les bras paternels, sans qu’ils aient pu rien découvrir. Et c’est au moment où il peut convenir au Père de dire : mon fils est émancipé, qu’ils se déchaînent ainsi mais sans se démasquer ! Voilà leur zèle, voilà leur tendresse, voilà comme ils remplissent leurs devoirs envers ce jeune enfant, dans l’intérêt duquel ils persécutent et veulent flétrir et déshonorer le Père.

 

 

 

 


Mezières, le 18 février 1822.                                  

Préfecture des Ardennes

Monseigneur,

En adressant à la direction générale de l’administration départementale les états relatifs au renouvellement des maires et adjoints, tels qu’ils avaient été prescrits par la circulaire du 20 décembre 1820, j’avais annoté, comme les tenant en suspens, les articles des maires de Chaffilly et le Chesne, arrondissement de Vouziers, et j’en avais décrit les motifs dans les observations portées en regard de chacun de ces articles sur l’état joint à ma lettre du 24 mars 1821. Ces deux maires se sont depuis mis en règle sous le rapport de leur comptabilité, et leurs arrêtés de nomination leur ayant été adressés ils ont étés installés.

Mais il est un autre article relatif au même arrondissement, à l’égard duquel j’ai cru devoir différer de statuer jusqu’à ce jour, m’étant réservé de vous en référer aussitôt que les incidents survenus à cette occasion me le permettraient. Ce moment est arrivé. Il s’agit d’une commune peu considérable, Louvergny, dont la population n’est que de 378 âmes. L’importance de cette affaire n’est donc pas dans les choses : elle est toute dans les personnes. M. de Surirey sera-t-il ou non maintenu dans la mairie de Louvergny ? voilà la question à l’occasion de laquelle de vives oppositions, des réclamations réitérées et une controverse fort délicate se sont élevées.

Cette controverse est devenue pour moi fort pénible , parce qu’elle m’a placé entre des personnes auxquelles je dois des égards difficiles à concilier, puisqu’elles sont vivement divisées à ce sujet. Ces personnes sont d’une part, M. de Surirey lui-même gentilhomme allié à des familles recommandables, et M. de Mecquenem secrétaire général de ma préfecture, qui (ainsi que M.M. de Waquant ses frères utérins) est récemment devenu beau-frère de M. de Surirey, celui-ci qui avait épousé en premières noces Madelle de Moy, ayant depuis le décès de sa première femme, survenu le 12 mai 1820, épousé Madelle de Wacquant. Ils étaient, à la vérité, il y a peu de moment encore, vivement mécontent de M. de Surirey qu’ils ne voyaient jamais ; maire depuis la mort de Mde de Surirey (Mlle de Moy) et le mariage de leur sœur, ils ont dû naturellement changer de dispositions au sujet de leur nouveau beau-frère. De l’autre, se trouvent M. de Gentil, vice-président du tribunal de Charleville, et les membres de la famille de Moÿ, représenté par Mrs de Cuzey, conseiller de préfecture, de Lignieroux, maire de Marquigny, et Trécourt, maire de Latour.

Voilà ce qui concerne les personnes. Quant aux griefs articulés, je ne puis mieux faire, ce me semble, pour les soumettre à vos lumières, que de joindre ici copie de ma lettre du 26 septembre dernier, à M. de Surirey, et en original la réponse de ce dernier, en date du 5 octobre ; cette dernière appuyée de 15 pièces, le tout paraphé par moi.

Pour compléter ces documents je crois devoir réunir au dossier deux lettres de M. de Surirey, en date des 28 mai et 12 juin 1821 ; une pièce sans date et sans signature, mais de la main de M. de Surirey, intitulée : observations de M. de Surirey sur la tutelle ; et un extrait des minutes du greffe de la justice de paix du canton du Chêne ; deux lettres de M. de Cuzey des 16 mars et 1er septembre 1821, une note sans date du même, et une déclaration du 30 novembre, signée Trécourt, Henry de Cuzey, et de Lignieroux, relativement à l’interprétation de l’ace de tutelle du jeune Surirey.

Quels que soient, Monseigneur, les ménagements que je dois aux parties, mon devoir me prescrit d’y mettre des limites, et de vous faire connaître mon opinion en ce qui concerne, du moins, les griefs sur lesquels j’ai pu recueillir les renseignements suffisants. Je vais la développer ci-après article par article.

1°. Défaut de naturalisation : j’ignore jusqu’à quel point l’objection est fondée. J’aurais pu en référer à Mgr le Garde des Sceaux ; mais quelle que soit la décision à intervenir, je ne pense pas que l’application à en faire à M. de Surirey puisse être contre lui un motif d’exclusion, car, dans tous les cas, on ne pourrait, ce me semble, lui refuser le délai nécessaire pour se pourvoir, et son intention est de le faire, si cette condition lui est imposée. Quoi qu’il en doive être, je vous prie Monseigneur, de résoudre la question dont la solution est importante à M. de Surirey et à l’administration, sous plusieurs rapports, notamment sous celui qui a trait au droit électoral.

2°. Rétention des deniers provenant du casernement : cette accusation est sans fondement. M. de Surirey qui peut-être n’avait pas encore produit, non plus que la plupart des maires de l’arrondissement de Vouziers, ses comptes du casernement des étrangers alors que la plainte a été dirigée contre lui, les a présentés depuis ainsi que ses collègues, et ils ont été reconnus satisfaisants.

3°. Administration tyrannique, mauvaise intelligence avec l’autorité ecclésiastique, opposition à l’exécution des lois &tc : M. de Surirey répond avec beaucoup de détails à ces diverses accusations : il est vrai, ainsi qu’il s’en autorise, que je n’ai pas reçu de plainte formelle de ses administrés sur le premier point ; le second est débattu avec détail par lui, et les torts dans cette querelle peuvent être plus ou moins partagés. Quant au troisième, il a trait à des réclamations élevées par M. de Surirey contre l’application qui a été faite à lui et à divers habitants de la commune, des dispositions du décret du 16 Xbre 1811, sur l’entretien des fossés des routes. A la vérité, comme maire, M. de Surirey aurait mieux fait de venir s’éclairer au près de l’administration que de former des oppositions formelles à l’exécution d’une mesure légalement appliquée : c’est de sa part un tort, sans doute, mais il me paraît pas sérieux, et on ne pense pas qu’il y ait lieu à y donner suite.

4°. Le défaut de mœurs qui lui a fait refuser la tutelle de son propre fils par les tribunaux, après d’éclatants débats : cette accusation est d’une nature bien grave. L’instruction en serait nécessairement très délicate, et il me semble du devoir d’une administration de s’abstenir, dans une pareille matière, de recherches qui toutes porteraient sur l’intérieur des familles et qui se mêleraient peut-être de détails qui semblent devoir lui rester étranger. On persévère, je l’avoue, sur cette objection avec une grande et vive insistance. Le procès qui y donne lieu a été débattu avec beaucoup d’éclats au tribunal de Vouziers et à la cour royale de Metz. Par respect pour l’indépendance des tribunaux autant que par la juste répugnance que doivent m’inspirer, dans le cas présent, de semblables investigations, je me suis abstenu d’en consulter les magistrats. Votre excellence jugera dans sa sagesse, et beaucoup mieux que moi, jusqu’à quel point il convient d’approfondir une accusation de ce genre ; et m’approuveras je l’espère, du parti que j’ai cru devoir prendre de m’en abstenir pour les motifs déjà décrits.

Je suis avec respect Monseigneur, de votre excellence, le très humble et très obéissant serviteur

Le Préfet , Harmand


Note sur une accusation portée au ministère de l’intérieur contre M. de Surirey, maire de la commune de Louvergny, dept des Ardennes.

Des ennemis particuliers de Mr de Surirey, n’ayant pu assouvir leur haine contre sa personne par différentes accusations qu’ils avaient adressées à Mr le Préfet des Ardennes ; et, désespérés du peu de succès qu’avaient eu leurs affreuses calomnies dont il ne fut pas difficile à Mr de Surirey de se justifier pleinement, essayèrent une nouvelle voie où ils pensèrent être plus heureux. Ils résolurent donc de le poursuivre jusque dans l’intérieur de sa famille dont ils dévoilèrent les secrets en les dénaturant d’une manière infâme.

M. de Surirey est accusé de nouveau : la dénonciation porte qu’il a été jugé devant le tribunal de Vouziers et envoyé ensuite à la cour royale de Metz, laquelle a déclaré Mr de Surirey indigne de remplir la place de tuteur de son enfant mineur à cause de son inconduite et de son immoralité. Et pour confirmer cette dénonciation, on ajoute qu’il n’est réellement pas tuteur de son fils, puisque Mr son frère a été nommé à sa place par le conseil de famille. Il fut également facile à Mr de Surirey de détruire ces nouvelles imputations en produisant l’arrêt de la cour de Metz où l’on voit que la cour ne s’est pas et ne pouvait s’occuper de la nomination d’un tuteur à son fils puisque Mme de Surirey existait alors et qu’on ne nomme de tuteur qu’à la mort des deux époux. La cour n’a donc fait que régler leurs intérêts, et, attendu que Mr de Surirey était redevable envers sa femme d’une somme de trente quatre mille francs, il a été décidé que l’enfant d’ailleurs en bas âge, et d’une mauvaise santé, serait confié aux soins de sa mère. Mr de Surirey a prouvé ensuite par un autre acte, qu’après le décès de son épouse, le conseil de famille s’est réuni devant le juge de paix du canton du Chesne, qu’il a paru à ce conseil, et a déclaré que, malgré que la loi lui donnait de droit le titre de tuteur, il désirait ne pas l’être afin de n’avoir aucune relation avec la famille de sa première femme.

Il présenta son frère à sa place ; la proposition fut adoptée par la famille et son frère fut nommé. Il est donc constant que Mr de Surirey n’est pas coupable de ce dont on l’accuse et que ce procès au tribunal de Vouziers dont on parle a fait plus de bruit depuis cette dénonciation qu’auparavant puisque les débats n’ont pas été publiés. Mais il est affligeant pour Mr de Surirey de penser que Mr le Préfet des Ardennes a envoyé cette même dénonciation au ministre de l’intérieur sans y adjoindre les pièces justificatives dont pourtant il avait connaissance.

 


Paris, le 8 Mars 1822

MINISTERE DE L’INTERIEUR

BUREAU du personnel

DEPARTEMENT Ardennes

ANALYSE Maire de Louvergny Dde de renseignements   

A M. le Procureur Gal de laCour royale à Metz

Monsieur, des réclamations se sont élevées contre le maintien de M. de Surirey à la tête de l’administration de sa commune de Louvergny (Ardennes), dont il est maire. On s’appuie principalement sur le scandale d’un procès qui a été porté à la connaissance du tribunal de Vouziers et de la Cour royale de Metz, et qui a eu pour résultat de lui faire refuser par le conseil de famille la tutelle de son propre fils. On assure que dans les débats qui ont eu lieu à cette occasion, l’honneur et les mœurs de M. de Surirey ont été violemment attaqués. Les autorités locales ne s’expliquant que d’une manière vague sur le procès dont il s’agit, je vous serai obligé de vouloir bien me communiquer quelques renseignements confidentiels et précis, qui puissent fixer mon opinion sur la moralité de ce maire & sur le parti définitif qu’il conviendra de prendre à son égard.

 


Metz, le 20 Mars 1822.

Parquet de la Cour Royale de Metz                                                                                                                                    

Maire de Louvergny

Monseigneur,

Un procès dans lequel la conduite morale de M. de Surirey a été fortement inculpé, a existé effectivement, devant la Cour Royale de Metz, il y a quelques années.

En 1817, le Tribunal de Vouziers avait prononcé, sur la demande de la Dme de Surirey, sa séparation de Corps d’avec son Mari. Le jugement était motivé sur une habitude d’excès, de sévices et d’injures graves de la part du Mari. Le Sr de Surirey n’interjetta point appel. Mais une nouvelle contestation s’étant engagée sur le payement des reprises matrimoniales de la Dame de Surirey et sur la tutelle d’un fils âgé de 12 ans issu du mariage, le tribunal de Vouziers décida que la tutelle serait retirée au Sr de Surirey. Celui-ci interjetta appel. Mais son adversaire produisit de si nombreuses et de si fortes preuves d’inconduite, de dérèglement de mœurs et d’habitudes de débauche de la part du Sr de Surirey, que la Cour jugea qu’il y aurait un danger réel à confier à un Père aussi immoral, la tutelle de son fils et n’hésita pas à confirmer le jugement du tribunal de Vouziers. L’arrêt est du 3 juin 1819.

Ce sont, Monseigneur, les renseignements certains que j’ai recueillis sur l’affaire au sujet de laquelle Votre Excellence m’a fait l’honneur de m’écrire.

Je suis avec Respect, Monseigneur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur.

 


Arrêt de la Cour de Metz

Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes devront salut :

Notre cour royale de Metz, chambre civile, a rendu l’arrêt suivant :

En la dite cause d’entre Hypolite Louis Antoine de Surirey, propriétaire et maire de la commune de Louvergny, appellant d’un jugement rendu par le tribunal de Vouziers le 12 9bre 1818, ; comparant par Me Dupin son avoué assisté de Me Dommanget avocat, d’une part ; contre Elizabeth Hyacinthe Catherine de Moÿ son épouse séparée de biens, intimée comparant par Me Noizet son avoué assisté de Me Mangin avocat d’autre part.

Sans que les qualités puissent nuire ni préjudicier, le jugement dont est appel s’exprime ainsi : "le tribunal ordonne que l’enfant issu du mariage des dits sieurs et Dame de Surirey sera confié à sa mère pour surveiller sa personne et son éducation, sauf néanmoins le droit de simple surveillance de la part du dit sieur de Surirey, ordonne pareillement que les frais d’entretien &tc. Compense les dépens, par le coup de l’enregistrement et de levée et signification du présent jugt qui sera supporté en entier par le Sieur de Surirey, le tribunal met les parties hors de Cour sur sa demande afin de sursis. "

Dupin, avoué de l’appelant, assisté de Dommanget son avocat, a conclu à ce qu’il plût à la Cour mettre l’appellation et ce dont est appel au néant, mendant, en ce que le tribunal aurait ordonné la remise de l’enfant entre les mains de la Dame de Surirey, et en ce que aucun délais n’aurait été accordé à l’appellant pour payer les reprises de sa femme, déclarant la Dame de Surirey non recevable dans sa demande relative au dit enfant ; ordonner que cet enfant sera confié au sieur de Surirey lequel demeurera chargé d’administrer sa personne, de diriger son entretien et son éducation, condamner la Dame de Surirey à contribuer pour moitié dans les frais de cet entretien, nourriture et éducation, ordonner qu’il sera sursis au payement des créances de la dite dame de Surirey et à toutes poursuites pendant cinq ans à la charge par le Sieur de Surirey de servir suivant son offre l’intérêt des créances, condamner l’intimée aux dépens des causes principales et d’appel, accorder main levée de la demande.

Noizet avoué de l’intimée, assisté de Mangin son avocat, a conclu à ce qu’il plût à la cour mettre l’appellation au néant avec amende et dépens - dans le fait – l’intimée a formé demande de séparation de corps et de biens, contre son mari ; elle a en même tems demandé le remboursement de ses apports et autres droits.

La séparation de corps et de biens a été prononcée par jugement du 28 août 1817 qui a aussi ordonné l’inventaire de sa communauté et a réservé à statuer ultérieurement sur les autres demandes.

Le vingt deux, la Dame de Surirey a renoncé à la communauté et a poursuivi la reprise de ses droits. Il y a été statué par le jugt dont est appel non attaqué quant la fixation des dits droits ; elle a demandé et obtenu que l’enfant issu de leur mariage fut remis a la dite dame de Surirey, attendu que le dit Sieur de Surirey ne suit en aucune manière son éducation*, qu’il l’a retiré du collège de Charleville où il était et qu’il le retenait chez lui quoi que ses classes aient repris leurs exercices ; elle a enfin cité des circonstances à l’appui de cette demande.

Le Sieur de Surirey s’étant défendu et quant aux condamnations prononcées contre lui, il a requis des délais qui ne lui point été accordés, en sorte que l’appel qu’il a interjetté du jugement de Vouziers porte sur la dite position du jugement qui confie l’enfant à son épouse et sur celle qui lui refuse un délais pour s’acquitter des condamnations.

A-t-il été bien jugé pour ces deux dispositions ? Attendu pour le premier grief que si la disposition principale de l’art. 302 du Code civil ne semble pas précisément applicable à la séparation de corps, vu la différence qui existe entre ses effets et ceux du divorce, il n’en est pas moins vrai que de l’ensemble de cet article combiné avec l’article 267, il résulte clairement que, dans un cas comme dans un autre , le juge doit eu égard aux circonstances prendre relativement aux enfans les mesures que leur intérêt sollicite et qui lui paraissent propres à assurer leur entretien et leur éducation, et comme il est bien prouvé dans la cause que l’appellant ne présente pas assez de garanties pour que son fils puisse lui être livré sans inconvénient, c’est avec justice et raison que les premiers juges l’ont confié de préférence aux soins de l’intimée. Attendu sur le second grief que l’art. 1244 du code autorisant à accorder des délais aux débitants en considération de sa position, on ne peut dans celle où se trouve l’appelant, c’est à dire dans la nécessité où il est de vendre son bien pour se libérer, lui refuser le tems et les facilités convenables, d’autant qu’il n’en peut résulter aucun préjudice à l’intimée, dont la créance est assurée par les titres authentiques, en vertu desquels elle a pris et dû prendre inscription.

Pour ces motifs, notre dite cour, ouï Pyrot , avocat général, pour notre procureur général, a mis l’appellation et ce dont est appel au néant en ce que les premiers juges n’auraient accordé aucun délais à l’appelant pour payer les reprises de son épouse, mendant quant à ça, ordonne qu’il payera à l’intimée la somme de 31,486 fr montant de sa reprise , en trois termes égaux, le 1er au 1er janvier 1821, et les deux autres d’année en année pareille époque, avec les intérêts jusqu’à parfait payement ; quant à ceux dûs jusqu’à ce jour, lui accorde un délais de deux mois pour s’en libérer ; à charge par l’intimée de faire état des sommes par elle perçues et notamment du billet de 2000fr qu’elle convient avoir touché. Le surplus du jugement ? ? ? son plein et entier ? ? ? , compense les dépens sur l’appel à l’exception de la levée et du coût de l’arrêt qui seront supportés par l’appellant, fait main levée de l’amende.

Ainsi fait jugé et prononcé à Metz en cour royale, chambre civile et des appels d’un jugement de police correctionnelle réunie à l’audience publique et solennelle du jeudi 3 juin 1819 où étaient présents Mr Gérard d’Hannoncelles Président, Mr Colchen président, Messieurs Taler, de Calmy, Pyrot, de Julvecourt le jeune ,de Mabreuil, de Brunville, Perin et Demeaux conseillers.

Signé à la minute d’Hannoncelle et Rayet greffier en chef. La minute enregistrée à Metz le 21 juin 1819, reçu onze francs decime compris. Signé Bresson.

Mandons et ordonnons à tout huissier pour ce requis de mettre le présent arrêt à exécution, à nos procureurs généraux et à nos procureurs près les tribunaux de 1ère instance d’y tenir la main et à tous commandans et officiers de la force publique de prêter main forte, lorsqu’ils en seront légalement requis.

En foi de quoi le dit arrêt a été signé par le président de la cour et par le greffier en chef, par la cour                    Signé Royet greffier en chef.

Reçu 17fr60 pour droit d’expédition. Metz le 25 juin 1819.                 Signé Bresson.                                                            

Signifié a avoué le 26 juin 1819 par l’huissier près la cour royale soussigné. Coût 68cts.

Le présent signifié à Mr de Surirey, à Louvergny, par Nivoit, huissier près le tribunal de Vouziers, le premier juillet mil huit cent dix neuf.

 

 

* depuis le mois de may 1820, la santé de Mr Auguste de Surirey l’ayant permis, il n’a pas cessé de suivre les cours du collège de Charleville.

 


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